Page:Zola - Travail.djvu/608

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si douces, si dociles, qui soulageaient les hommes et les bêtes. Et rien n’était plus attendrissant ni plus gai. Ces roses dont s’ornaient les presses, les marteaux énormes, les raboteuses géantes, les grands tours, les grands laminoirs, disaient combien le travail était devenu attrayant, un bien-être du corps, une joie de l’esprit. Des chants retentissaient, des rondes se formaient, au milieu des rires, toute une farandole, qui peu à peu gagnait d’une halle à l’autre et finissait par changer l’usine en un immense lieu de réjouissance.

Impassible encore, Ragu se promenait, levant les yeux vers les hauts vitrages inondés de soleil, regardant les dalles et les murs d’une netteté éclatante, s’intéressant aux machines, dont beaucoup lui étaient inconnues, colosses faits de rouages compliqués, capables des anciennes besognes humaines, les plus rudes et les plus délicates. Il en était qui avaient des jambes, des bras, des pieds, des mains, pour marcher, pour embrasser, pour étreindre et manier le métal, avec des doigts souples, agiles et forts.

Les nouveaux fours à puddler surtout le retinrent, ces fours où le brassage s’opérait mécaniquement. Était-ce possible que la «  boule  » en sortît ainsi, toute prête à passer sous le marteau-cingleur  ? Et l’électricité qui faisait rouler les ponts, qui mettait les pilons monstrueux en branle, qui actionnait des laminoirs, capables de couvrir de rails toute la terre  ! Elle était partout, cette électricité souveraine, elle avait fini par être le sang même de l’usine, circulant d’un bout à l’autre des ateliers, donnant la vie à toutes choses, devenue l’unique source de mouvement, de chaleur et de lumière.

«  Sans doute, dut concéder Ragu, c’est très bien, c’est très propre et très grand, ça vaut mieux que nos sales trous d’autrefois, où nous étions comme des cochons à l’auge. On a sûrement réalisé des progrès, l’ennui est