Page:Zola - Travail.djvu/632

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Et des années se passèrent encore, et la mort nécessaire, bonne ouvrière de l’éternelle vie, fit son œuvre, emporta un à un les hommes qui avaient rempli leur tâche. Bourron partit le premier, puis sa femme Babette, de belle humeur jusqu’à son dernier souffle. Ensuite, ce fut Petit-Da, ce fut Ma-Bleue, aux yeux bleus d’infini, d’éternel ciel bleu. Lange mourut, en finissant du pouce une dernière figurine, une délicieuse fille aux pieds nus, à l’image de la Nu-Pieds. Nanet et Nise, disparus, jeunes encore, s’en allèrent en un baiser. Enfin, Bonnaire succomba en héros, debout, comme enseveli dans le branle du travail, un jour qu’il s’était rendu aux ateliers, pour voir fonctionner un marteau géant, dont chaque coup forgeait une pièce.

Et, de toute leur génération, de tous les fondateurs et les créateurs, dans Beauclair triomphal, Luc et Jordan restèrent seuls, aimés, entourés des soins affectueux de Josine, de Sœurette et de Suzanne. Les trois femmes, d’une santé et d’une vaillance miraculeuses pour leur grand âge semblaient ne plus vivre que pour être les aides, les soutiens de chaque heure. Suzanne, depuis que Luc marchait difficilement, les jambes peu à peu perdues, cloué presque au fond d’un fauteuil, était venue habiter chez lui, partageant avec Josine la gloire attendrie de le servir. Il avait quatre-vingts ans passés, d’une gaieté