Page:Zola - Travail.djvu/637

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Pendant les journées brûlantes de l’été, on moissonnerait les rayons, on les mettrait en grange, en des greniers d’abondance sans fin. Ensuite, quand les nuits se feraient longues, quand l’hiver viendrait avec ses ténèbres et ses glaces, il y aurait là de la lumière, de la chaleur et du mouvement, pour la vie heureuse de l’humanité entière. Et cette force électrique, ravie au soleil créateur, domestiquée par l’homme, serait enfin sa servante docile et toujours prête, le soulageant dans son effort, l’aidant à faire du travail la gaieté, la santé, la juste répartition des richesses, la loi et le culte même de la vie.

Le rêve de Jordan avait occupé déjà d’autres cerveaux, des savants étaient parvenus à imaginer de petits appareils qui captaient la chaleur solaire et la transformaient en électricité, mais par quantités infimes, de simples instruments destinés à des expériences de laboratoire. Il fallait réaliser le phénomène en grand, d’une façon pratique, pour les immenses réservoirs nécessaires aux besoins de tout un peuple. Et, pendant des années, on vit Jordan faire construire, dans l’ancien parc de la Crêcherie, des appareils étranges, des sortes de tours, dont on ne pouvait deviner l’usage. Il refusait de parler, il ne confiait à personne le secret de ses recherches. Par les beaux temps, aux heures où il se sentait assez fort, il arrivait de son petit pas de vieillard débile, s’enfermait avec des hommes à lui dans l’usine nouvelle, s’y entêtait, malgré les insuccès, luttait, finissait par conquérir l’astre souverain, lui fourmi laborieuse, qu’un rayon un peu trop vif aurait tuée. Jamais héroïsme ne fut plus grand, jamais l’idée, toute-puissante dans ce corps chétif, ne donna le spectacle d’une victoire plus haute sur les forces naturelles, hier foudres meurtrières pour l’homme, aujourd’hui simples énergies conquises, réduites à son service. Et il réussit à résoudre le problème, le bon et glorieux soleil se laissa