Page:Zola - Travail.djvu/651

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riches contre la révolte de l’immense foule des misérables, avait croulé comme inutile, les gendarmeries, les tribunaux, les prisons. Il fallait vivre au milieu de ce peuple ignorant l’atrocité des guerres, obéissant à l’unique loi du travail, dans une solidarité faite simplement de raison et d’intérêt personnel bien entendu, pour comprendre à quel pointé les prétendues utopies du bonheur universel devenaient possibles, avec un peuple sauvé des monstrueux mensonges religieux, instruit enfin, sachant la vérité, voulant la justice. Depuis que les passions, au lieu d’être combattues, étouffées, se trouvaient cultivées au contraire, comme les forces mêmes de la vie, elles perdaient leur âcreté de crimes, elles devenaient des vertus sociales, des floraisons continues d’énergies individuelles. Le bonheur légitime était dans le développement, dans l’éducation des cinq sens et du sens d’amour, car tout l’homme devait jouir, se satisfaire sans hypocrisie, au plein soleil. Le long effort de l’humanité en lutte aboutissait à la libre expansion de l’individu, à une société de satisfaction complète, l’homme étant tout l’homme et vivant toute la vie. Et la Cité heureuse s’était ainsi réalisée dans la religion de la vie, la religion de l’humanité enfin libérée des dogmes, trouvant en elle-même sa raison d’être, sa fin, sa joie et sa gloire.

Mais Luc, surtout, assistait au triomphe du travail sauveur, créateur et régulateur du monde. Dès le premier jour, il avait voulu la disparition, la mort du salariat inique, source de misère et de souffrance, base pourrie de l’ancien édifice social, qui croulait de toutes parts. Et il avait rêvé l’autre chose, la réorganisation du travail, le nouveau pacte qui permettrait une juste répartition des richesses. Seulement, que d’étapes il avait fallu franchir, avant de faire de ce rêve une réalité, cette Cité heureuse fondée par lui  ! Ici encore, l’évolution était partie de Fourier, l’association des travailleurs, les ateliers aux