Page:Zola - Travail.djvu/668

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justice, de vérité et de bonté il leur laissait, avec quelle passion il faisait d’eux les exécuteurs de son rêve, l’humanité de plus en plus libérée, heureuse  !

«  Allez, allez, mes enfants chéris  ! soyez sages, soyez très justes et très bons  ! souvenez-vous de m’avoir tous embrassé aujourd’hui, et aimez-moi toujours bien, aimez-vous toujours bien les uns les autres  ! Vous saurez un jour, vous ferez ce que nous avons fait, et vos enfants à leur tour devront faire ce que vous ferez, beaucoup de travail, beaucoup de vie, beaucoup d’amour  ! … En attendant, mes enfants chéris, allez, allez jouer, soyez très sains et très gais  !   »

Josine, Sœurette et Suzanne voulurent alors congédier la bande joueuse, par crainte du tapage, en voyant Luc s’affaiblir peu à peu. Mais il n’y consentit point, il désira garder les enfants près de lui, afin de s’en aller doucement, dans le bruit joyeux de leurs rires. Et il fut convenu que les enfants descendraient jouer au jardin, sous sa fenêtre. Il les entendait, il les voyait, il était content.

Déjà, le soleil baissait à l’horizon, un grand soleil d’été dont la ville entière resplendissait. La chambre en était toute dorée, comme d’une gloire, et Luc, dans cette splendeur, assis au fond de son fauteuil garda longtemps le silence, les yeux sur l’immense horizon. Une paix profonde se faisait, Josine et Sœurette, muettes comme lui, étaient venues s’accouder à sa droite et à sa gauche, tandis que Suzanne, assise, semblait suivre elle aussi le même rêve. Et il parla enfin d’une voix ralentie, qui semblait devenir peu à peu lointaine.

«  Oui, notre ville est là, Beauclair régénéré flamboie dans l’air pur, et je sais que les villes voisines, Brias, Magnolles, Formeries, Saint-Cron, ont dû nous suivre, se sont refaites également, amenées à nous par l’exemple, conquises au tout-puissant bonheur… Mais par-delà ce