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Page:Zola - Travail.djvu/672

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Le cri n’était pas «  à chacun selon ses œuvres  », mais «  à chacun selon ses besoins  » . L’homme avait droit à la vie, au logement, au vêtement, au pain quotidien. On avait donc mis toutes les richesses en tas, puis on avait partagé, ne commençant à rationner chacun que le jour où il n’y en avait plus eu autant pour tous. L’humanité entière au travail, la nature exploitée avec silence et méthode, devaient fournir des produits incalculables, une fortune immense, suffisante pour combler les appétits des peuples décuples. Lorsque la société voleuse et parasitaire aurait disparu, avec l’argent, source de tous les crimes, avec les lois sauvages de restriction et de répression, sources de toutes les iniquités, la paix régnerait par la communauté libertaire, où le bonheur de chacun serait fait du bonheur de tous… Et plus d’autorité d’aucune sorte, plus de lois, plus de gouvernement. Si les anarchistes avaient accepté le fer et le feu, la nécessité sanglante d’une extermination première, c’était dans la certitude de ne pouvoir détruire à fond les anciens atavismes monarchiques et religieux, écraser à jamais l’autorité en ses derniers germes, que sous cette brutale cautérisation de la plaie séculaire. D’un coup, si l’on ne voulait pas être repris, il fallait couper les vives attaches avec le passé d’erreur et de despotisme. Toute politique était mauvaise, empoisonneuse, parce qu’elle se trouvait fatalement faite de compromissions et de marchés, dont les déshérités restaient les dupes… Et, sur les ruines du vieux monde détruit, balayé, le rêve hautain et pur de l’anarchie avait ensuite tenté de se réaliser. C’était la conception la plus large, la plus idéale d’une humanité juste et paisible, l’homme libre dans la société libre, chaque être délivré de toutes les entraves, jouissant à l’infini de tous ses sens et de toutes ses facultés, exerçant pleinement son droit de vivre d’être heureux par sa part de possession de tous les biens de la