Page:Zola - Vérité.djvu/103

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le père Crabot dans l’affaire, il aplanit les voies trop rudes, avec sa bonne grâce mondaine. Et ce fut encore le père, le baron Nathan, qui décida sa fille par son enthousiasme pour l’idée de la marquise, comme s’il espérait se débarbouiller un peu lui-même de sa juiverie honteuse dans les eaux de ce baptême. La cérémonie bouleversa la haute société de Beaumont, on en parlait toujours comme d’un grand triomphe de l’Église.

Enfin, la marquise de Boise, maternelle, qui dirigeait Hector de Sanglebœuf comme son grand enfant, peu intelligent et docile, l’avait fait nommer député de Beaumont, grâce au vaste domaine et aux millions que sa femme lui avait apportés. Elle exigea même ensuite qu’il se mît du petit groupe des réactionnaires opportunistes, ralliés à la République, espérant le pousser un jour à quelque haute situation ; et l’aventure amusante, ce fut alors que le baron Nathan, le juif, à peine libéré de l’infamie ancestrale, devenu royaliste intransigeant, se trouva beaucoup plus royaliste que son gendre, malgré le Sanglebœuf de jadis, l’écuyer de Saint Louis. Il triomphait de sa fille baptisée, il lui avait choisi son nouveau prénom, Marie, et il ne la nommait plus que Marie, avec une sorte d’affectation dévote. Il triomphait aussi de son gendre député, rêvant sans doute d’user de lui, goûtant du reste un plaisir désintéressé dans cette maison mondaine, désormais emplie de prêtres, et où il n’était question que des œuvres pieuses auxquelles la marquise de Boise associait maintenant Marie, dans leur bonne entente devenue plus étroite et plus tendre.

Lorsque David et Marc, que le concierge laissa passer, se trouvèrent dans le parc de la Désirade, ils ralentirent le pas, jouissant de la splendide journée d’août, émerveillés de la beauté des arbres, de la douceur infinie des pelouses, de la fraîcheur délicieuse des eaux. C’était une royale demeure, des trouées enchantées de verdure, au