Page:Zola - Vérité.djvu/107

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ordinaires, mon chat, mon bijou, mon trésor. Très à l’aise, de son air de directeur tolérant, le père Crabot leur souriait à l’une et à l’autre. Et, dans la vasque de marbre, l’eau cristalline que la nymphe galante versait de son urne, semblait filer une éternelle note de flûte.

À l’appel de son beau-père, Sanglebœuf s’avança lentement. Roux, avec un grand corps, une face pleine et colorée, il avait, sous son front étroit, aux durs cheveux ras, de gros yeux d’un bleu trouble, un nez petit et mou, une grande bouche vorace, cachée à demi sous les épaisses moustaches.

Dès que le baron lui eut expliqué l’aide que David venait leur demander, il se fâcha, se montra brutal, tout en affectant une sorte de rondeur militaire.

— Me mêler de cette histoire, ah ! non, par exemple !… Vous m’excuserez, monsieur, si j’emploie mon crédit de député à des affaires plus claires et plus propres. Sans doute, je veux croire que vous êtes, vous, un honnête garçon. Mais, vraiment, vous aurez de la peine à défendre votre frère… Puis, enfin, comme le disent tous ceux qui sont de votre côté, nous sommes l’ennemi. Pourquoi vous adressez-vous à nous ?

Il regardait Marc, de ses gros yeux troubles courroucés, et il déblatéra contre les sans-Dieu, les sans-patrie, les insulteurs de l’armée. Trop jeune pour s’être battu en 70, il n’avait servi que dans les garnisons, sans jamais faire de campagne. Mais il n’en était pas moins resté cuirassier jusqu’aux moelles, selon une de ses expressions. Et il se vantait d’avoir mis à son chevet deux emblèmes, toute sa religion, le crucifix et le drapeau, son drapeau, pour lequel il n’était malheureusement pas mort.

— Voyez-vous, monsieur, quand vous aurez rétabli la croix dans les écoles, quand vos instituteurs feront des chrétiens au lieu de faire des citoyens, alors seulement vous pourrez compter sur nous, le jour où vous aurez un service à nous demander.