Page:Zola - Vérité.djvu/124

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Petit et brun, sec, avec des yeux et une parole de flamme, il avait une voix admirable, un don extraordinaire d’éloquence, à la fois enthousiaste, logique et précis dans de continuelles et chaudes envolées.

David fut frappé seulement du doute où il semblait être de la victoire. Et il répéta la phrase qu’il disait depuis huit jours.

— Victorieux, nous le serons certainement. Où trouverait-on un jury qui osât condamner mon frère, sans preuves aucunes ?

Delbos le regarda, puis se mit tranquillement à rire.

— Mon pauvre ami, nous allons descendre dans la rue, et les douze premiers citoyens que nous ramasserons vous cracheront à la figure, en vous traitant de sale juif. Vraiment, vous ne lisez pas Le Petit Beaumontais et vous ignorez la belle âme de vos contemporains… N’est-ce pas ? monsieur Froment, toute illusion serait dangereuse et coupable.

Et, comme Marc lui contait ses déconvenues, dans ses visites aux personnes influentes, il renchérit encore, voulant retirer le frère de son client de l’erreur où il le voyait. Sans doute, il y avait Salvan, un honnête homme, un apôtre, mais si menacé lui-même, et qui avait plutôt besoin d’être défendu. Quant à Le Barazer il ferait la part du feu, il laisserait sacrifier Simon, en gardant toute son autorité pour la défense de l’enseignement laïque. Le bon Lemarrois, l’incorruptible républicain de la veille, était, sans même le savoir, sur le chemin des inquiétudes qui menait à la réaction. Mais, surtout, il s’enflamma au nom de Marcilly. Ah ! le suave Marcilly, l’espoir de la jeunesse intellectuelle, en coquetterie avec tous les partis avancés ! en voilà un sur lequel il ne fallait rien bâtir, menteur d’hier et de toujours, renégat et traître de demain ! Chez tous ces gens, il n’y avait que de bonnes