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Page:Zola - Vérité.djvu/126

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Devant le silence douloureux de David, il ajouta : — Oh ! nous ne nous laisserons pas dévorer sans crier. Seulement, j’aime mieux vous montrer brutalement les choses… Et, maintenant, examinons où nous en sommes.

Il savait à l’avance la thèse de l’accusation. De toutes parts, les témoins venaient d’être soumis à une pression effroyable. En dehors de l’opinion publique, où ils vivaient et qui les pénétrait comme un air vicié d’épidémie, ils étaient certainement travaillés par des puissances occultes, enveloppés dans un savant réseau d’exhortations quotidiennes, qui dictaient leurs idées et leurs réponses devant le juge. Mlle Rouzaire, paraît-il, s’était montrée absolument affirmative sur l’heure, onze heures moins le quart, à laquelle elle prétendait avoir entendu rentrer Simon. Mignot lui-même, maintenant, sans être aussi net, croyait bien avoir saisi un bruit de pas et de voix, vers la même heure. Mais, surtout, on devait avoir agi sur les élèves de Simon, les enfants Bongard, Doloir, Savin et Milhomme, dont le défilé aux assises, disait-on, émotionnerait beaucoup le public. On tâcherait de leur tirer des paroles défavorables à l’accusé. Le petit Sébastien Milhomme, particulièrement, avait déclaré, au milieu de gros sanglots, qu’il n’avait jamais vu, entre les mains de son cousin Victor, venant de chez les frères, un modèle d’écriture semblable au modèle trouvé dans la chambre de la victime. Et, à ce propos, on contait une visite inattendue, faite à Mme Édouard Milhomme, la papetière, par son petit-cousin, le général Jarousse, qui commandait la division à Beaumont : parenté jusque-là inavouée, dont il s’était brusquement souvenu, pour faire cette visite amicale, dont la papeterie était restée toute stupéfaite et ensoleillée. En outre, l’accusation insistait beaucoup sur les recherches vaines, faites pour retrouver le rôdeur, le chemineau d’abord soupçonné ; de même qu’elle prétendait