Page:Zola - Vérité.djvu/132

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— Tous les trois ont des alibis, que dix des leurs, sans compter des personnes dévotes, viendront appuyer devant les assises. Il semble bien que les deux premiers sont rentrés à leur école, avec le directeur, le frère Fulgence. Le frère Gorgias, lui est allé reconduire un enfant ; mais dès dix heures et demie, il serait également rentré, ce qu’affirme tout le personnel de la maison, ainsi que d’autres témoins laïques, des amis des frères, il est vrai, qui l’auraient aperçu, à son retour.

De nouveau, Marc intervint, de son air réfléchi, avec ses yeux au loin d’homme en continuelle quête de la vérité :

— Ce frère Gorgias, il ne me dit rien de bon, j’ai bien songé à son cas… L’enfant qu’il était allé reconduire est le petit Polydor, le neveu de la cuisinière Pélagie, chez les parentes de ma femme ; j’ai voulu le faire causer, mais c’est un enfant sournois, menteur et paresseux, et je n’en ai rien tiré, qu’un peu plus de confusion… Oui, le frère Gorgias, sa figure, sa personne, ne me quittent pas. On le dit brutal. sensuel, cynique, avec une dévotion outrée, une dure religion intransigeante et exterminatrice. D’autre part, il a eu jadis, m’a-t-on raconté, des rapports avec le père Philibin et le père Crabot lui-même… Le frère Gorgias, ah ! le frère Gorgias, j’ai bien cru un instant qu’il était notre homme. Et puis, je n’ai trouvé que des hypothèses.

— Sans doute, déclara David avec son hochement de tête, le frère Gorgias ne sent guère bon, et ma sensation est la vôtre. Seulement, est-ce prudent de le dénoncer, lorsque nous n’avons que des raisonnements, comme vous dites, à produire contre lui ? Aucun témoin ne serait pour nous, tous soutiendraient le frère, le blanchiraient de nos accusations impies.

Delbos avait écouté avec attention.

— Il m’est impossible de défendre votre frère, répéta-t-il,