Page:Zola - Vérité.djvu/136

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brave homme, qui me fait une singulière impression, à moi, avec ses allures de rudesse et de franchise… Leur histoire, du temps de la comtesse de Quédeville, est restée bien louche, cette mort de l’enfant, ces manœuvres d’une légalité douteuse, pour avoir le domaine et la fortune. Et le pis est que le seul témoin de la noyade, le fils du jardinier, le Georges Plumet, est justement notre frère Gorgias, que le père Philibin avait pris en grande protection et dont il a fait un ignorantin. Aujourd’hui, dans les obscures circonstances actuelles, voici de nouveau ces trois hommes réunis, de sorte que toute l’affaire est là peut-être ; car si le frère Gorgias était le coupable, les efforts des deux autres pour le sauver, en dehors du salut de l’Église, s’expliqueraient par de fortes raisons personnelles, quelque cadavre enfoui entre eux, la terreur qu’il ne parlât, s’il se sentait abandonné… Malheureusement, vous l’avez dit, et nous revenons toujours nous briser contre cet obstacle : ce sont simplement des hypothèses, des déductions, lorsqu’il nous faudrait des faits solides, établis et prouvés. Enfin, cherchons encore, la défense n’est possible, je le répète, que si je suis armé suffisamment pour être l’accusateur et le vengeur.

David et Marc emportèrent de cette conversation avec Delbos une ardeur nouvelle. Et, comme ils l’avaient prévu, ils eurent un instant la joie de voir éclater une querelle intime dans le camp clérical. L’abbé Quandieu, le curé de Maillebois, n’avait pas caché d’abord sa croyance à l’innocence de Simon. Il n’allait point jusqu’à soupçonner un des frères, bien qu’il n’ignorât rien des scandales de la maison. Mais son attitude disait sa désapprobation de la campagne violente des frères et des capucins, s’efforçant d’amener à eux le pays entier ; car, s’il perdait un paroissien à chaque conquête nouvelle des religieux, il était en outre d’esprit assez éclairé et assez