Page:Zola - Vérité.djvu/15

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angoisse, cet obscur combat, joint à son travail obstiné de couture, finit par la tuer, comme le petit Zéphirin, âgé de douze ans, allait faire sa première communion. Et ce fut alors que Simon, bien pauvre lui-même, le prit chez lui, pour qu’il ne retombât pas à la charge des parents de sa femme, très bon, très tolérant, se contentant de l’héberger et de le nourrir, le laissant communier et achever ses études à l’école voisine des frères.

La chambre où couchait Zéphirin, une petite pièce de débarras, aménagée très proprement pour lui, avait donc une fenêtre qui s’ouvrait presque au ras du pavé, derrière l’école, sur le coin le plus solitaire de la place. Et, ce matin-là, comme le jeune instituteur adjoint Mignot, logé au premier, sortait dès sept heures, il remarqua que la fenêtre se trouvait grande ouverte. Mignot, profitant des premiers jours de vacances, pêcheur passionné, partait en chapeau de paille et en veste de coutil, sa canne à l’épaule, pour pêcher dans la Verpille, la mince rivière qui traverse le quartier industriel de Maillebois. Fils de paysan, entré à l’École normale de Beaumont comme il serait entré au séminaire, afin d’échapper au dur travail des champs, il était blond, les cheveux ras, de figure massive et grêlée, ce qui lui donnait un air dur, sans qu’il fût mauvais au fond, bon plutôt, simplement désireux de ne pas nuire à son avancement. À vingt-cinq ans, il ne se hâtait pas de se marier, en attente comme pour le reste, destiné à être ce que les circonstances voudraient qu’il fût. Et la fenêtre de Zéphirin, grande ouverte ce matin-là, le frappa tellement, qu’il s’approcha et jeta un coup d’œil dans la chambre, bien que le fait n’eût en lui-même rien d’anormal, car d’habitude le petit se levait de très bonne heure.

Mais la stupeur cloua Mignot, l’horreur lui arracha des cris.