Page:Zola - Vérité.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— Mon Dieu ! le pauvre enfant !… Mon Dieu ! mon Dieu ! qu’est-ce donc, quel affreux malheur !

L’étroite chambre, au papier clair, gardait son calme, son air d’enfance heureuse. Sur la table, il y avait une statuette coloriée de la Vierge, quelques livres, des images de sainteté, rangées, classées avec soin. Le petit lit blanc n’était pas même défait, l’enfant ne s’était pas couché. Et, par terre, ne traînait qu’une chaise abattue. Et là, sur la descente de lit, le pauvre petit corps de Zéphirin gisait, en chemise, étranglé, la face livide, le cou nu, portant les marques des abominables doigts de l’assassin. La chemise souillée, arrachée, à demi fendue, laissait voir les maigres jambes écartées violemment, dans une posture qui ne permettait aucun doute sur l’immonde attentat ; et l’échine déviée apparaissait, elle aussi, la pauvre bosse que le bras gauche, rejeté par-dessus la tête, faisait saillir. Mais cette tête, malgré sa pâleur bleuie, gardait son charme délicieux, une tête d’ange blond et frisé, un visage délicat de fille, aux yeux bleus, au nez fin, à la bouche petite et charmante, avec d’adorables fossettes dans les joues, lorsque l’enfant riait tendrement.

Mignot, éperdu, ne cessait de crier son épouvante.

— Ah, mon Dieu ! ah, mon Dieu ! l’horrible chose Ah, mon Dieu ! au secours, venez donc !

Et Mlle Rouzaire, l’institutrice, ayant entendu ces cris, accourut. Elle était descendue de bonne heure dans son jardin, s’intéressant à des salades que les orages faisaient monter. C’était une rousse de trente-deux ans, pas belle, grande, forte, avec une face ronde, criblée de taches de rousseur, de gros yeux gris, une bouche décolorée, sous un nez pointu, qui annonçait une dureté rusée et avaricieuse. Bien que laide, elle avait eu, disait-on, des complaisances pour l’inspecteur primaire, le beau Mauraisin, ce qui assurait son avancement. Elle était