Page:Zola - Vérité.djvu/154

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Dès la rentrée des classes, réinstallé à Jonville, Marc avait eu une autre lutte à soutenir, en dehors du tourment où le jetait l’affaire Simon. Le curé, l’abbé Cognasse, s’était avisé de chercher à conquérir le maire, le paysan Martineau, par sa femme, la belle Martineau, afin de créer de gros soucis à l’instituteur.

C’était un terrible homme, cet abbé Cognasse, grand, maigre, anguleux, avec un menton volontaire et un nez aigu, sous un front bas, à l’épaisse crinière brune. Ses yeux brûlaient d’une flamme agressive, ses mains noueuses, peu lavées, semblaient faites pour tordre le cou aux gens qui oseraient lui résister. Et il avait, à quarante ans, comme unique servante, une vieille fille de soixante ans, Palmyre, un peu bossue, plus terrible que lui, avare et dure, la terreur du pays, qui le gardait et le défendait avec des dents et des grognements de dogue. On le disait chaste, mais il mangeait beaucoup, buvait de même, sans jamais se griser. Fils de paysan, borné et têtu, il s’en tenait à la lettre étroite du catéchisme, il dirigeait rudement ses paroissiens, très âpre sur ses droits, exigeant surtout d’être payé, sans faire grâce d’un sou à personne, même au plus pauvre. Aussi avait-il voulu tenir en son pouvoir le maire Martineau, de façon à être le maître réel de la commune, ce qui, tout en étant l’esprit de la religion, devait lui assurer de plus beaux bénéfices. Et sa querelle avec Marc avait éclaté au sujet d’une somme annuelle de trente francs