Jonville et des habitants du Moreux. Ceux-ci se plaignaient sans cesse d’être traités avec peu d’égards, de n’obtenir que des bouts de messe comme par charité, d’être obligés d’envoyer leurs enfants à Jonville, pour le catéchisme et la première communion ; et le prêtre répondait furieusement que, lorsqu’on voulait ainsi profiter du bon Dieu, on avait son curé à soi. Fermée durant la semaine, l’église du Moreux n’était qu’une grange morne et vide. Mais l’abbé Cognasse, une demi-heure chaque dimanche, n’y passait pas moins en tempête, redouté de tous, terrorisant la commune par ses caprices et ses emportements.
Et, Marc, très au courant de la situation, ne pouvait songer à Férou, sans une grande sympathie pitoyable. Dans ce Moreux si à l’aise, lui seul, l’instituteur, ne mangeait pas tous les jours à sa faim. En lui, l’horrible misère de l’instituteur pauvre prenait une gravité tragique. Comme adjoint, à Maillebois, il avait débuté à neuf cents francs, âgé déjà de vingt-quatre ans. Aujourd’hui, après six années de travail, devenu titulaire, exilé dans ce trou du Moreux pour son mauvais esprit, il ne touchait encore que mille francs par an, soixante-dix-neuf francs par mois avec la retenue, juste cinquante-deux sous par jour ; et il avait une femme et trois petites filles à nourrir. C’était, dans la vieille masure humide qui servait d’école, la misère noire, des soupes dont les chiens n’auraient pas voulu, les petites sans souliers, la mère sans robe. Et la dette se dressait toujours croissante, menaçante, la dette mortelle où sombrent tant d’humbles fonctionnaires ! Et quel courage héroïque il fallait pour dissimuler le mieux possible cette misère, rester debout en redingote râpée, tenir son rang de monsieur lettré, à qui les règlements défendent tout commerce, tout gain, en dehors de son école ! Chaque jour la lutte recommençait, un miracle d’énergie et de volonté. Férou, le fils de berger, dont la vive