Page:Zola - Vérité.djvu/174

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d’être envoyé dans le Midi… Ce qu’il faudrait à Maillebois, ce serait une raison solide, une volonté forte, un instituteur qui eût l’intelligence et l’énergie nécessitées par la situation actuelle. Alors, on a songé à vous.

Le coup fut si brusque, si inattendu, que Marc se récria.

— Comment, à moi !

— Oui, vous seul connaissez admirablement le pays et la crise affreuse à laquelle il est en proie. Depuis la condamnation de ce pauvre Simon, l’école primaire est comme maudite, elle perd des élèves chaque année, pendant que l’école des frères tend à prendre sa place, en se fortifiant de sa ruine. Il y a là un foyer grandissant de cléricalisme, de superstition basse, d’abêtissement réactionnaire, qui finira par tout dévorer, si nous ne luttons pas. Déjà, la population rétrograde aux passions haineuses, aux stupides imaginations de l’an mille, et il nous faut un ouvrier de l’avenir, un semeur de la bonne moisson future, pour rendre sa prospérité à notre école, refaire d’elle ce qu’elle doit être, l’éducatrice, la libératrice, la créatrice du libre et juste peuple de France… On a donc songé à vous.

— Mais, interrompit de nouveau Marc, est-ce un vœu simplement que vous faites ? ou bien êtes-vous chargé de me consulter ?

Salvan s’était mis à sourire.

— Oh ! je ne suis qu’un bien modeste fonctionnaire, ce serait trop beau, si tous mes vœux s’accomplissaient. La vérité, comme vous dites, est qu’on m’a chargé de vous sonder. On sait que je suis votre ami… Le Barazer, notre inspecteur d’académie, m’a fait demander lundi à la préfecture. Et, de notre conversation, est née cette idée de vous offrir le poste de Maillebois.

Marc laissa échapper un geste, un haussement d’épaules.