Page:Zola - Vérité.djvu/173

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Jusque-là, on n’avait pas fait d’eux les apôtres nécessaires, s’appuyant sur l’unique méthode expérimentale, rejetant les dogmes révélés, les légendes menteuses, tout l’énorme amas des erreurs qui, depuis des siècles, maintiennent les petits de ce monde dans la misère et dans le servage. Ils étaient pour la plupart de braves gens, même des républicains, suffisamment instruits, très capables d’enseigner la lecture, l’écriture, un peu de calcul, un peu d’histoire, mais incapables de faire des citoyens et des hommes. Dans la désastreuse affaire Simon, on venait de les voir presque tous passer aux mensonges du cléricalisme, par incapacité de raisonnement, par défaut de méthode et de logique. Ils ne savaient pas aimer la vérité, il avait suffi de leur dire que les juifs avaient vendu la France à l’Allemagne, et ils déliraient. Ah ! où était-il, le bataillon sacré des instituteurs primaires qui devaient instruire tout le peuple de France, à la seule clarté des certitudes scientifiquement établies, pour le délivrer des ténèbres séculaires et le rendre enfin capable de vérité, de liberté et de justice !

Un matin, Marc reçut une lettre de Salvan, qui le priait de venir causer avec lui, au plus tôt. Et, dès le jeudi suivant, il se rendit à Beaumont, à cette École normale, où il ne pouvait entrer sans émotion, pénétré de souvenirs et d’espoirs.

Le directeur l’attendait dans son cabinet, ouvrant sur le petit jardin, que le soleil d’avril dorait déjà de tièdes rayons.

— Mon bon ami, voici ce qui se passe… Vous savez la déplorable situation où se trouve Maillebois. Méchain, le nouvel instituteur qu’on a eu le tort de nommer dans des circonstances si graves, n’est pas un mauvais esprit, je le crois même avec nous ; mais c’est un faible, qui, en quelques mois, s’est laissé déborder ; et, de plus, il est malade, il vient de demander son changement, désireux