Page:Zola - Vérité.djvu/199

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comme une surprise joyeuse, ensuite comme une inquiétude croissante.

— Oui, qu’en penses-tu ?

— Mais, mon ami, j’en pense que c’est un avancement sur lequel tu ne comptais pas si tôt… Seulement, la situation ne va pas être commode ici, au milieu des passions exaspérées, avec tes idées qui sont connues de tout le monde.

— Sans doute, j’ai réfléchi à cela, mais ce serait lâche de refuser la lutte.

— Et puis, mon ami, pour te dire toute ma pensée. je crains bien que, si tu acceptes, cela n’achève de nous fâcher avec grand-mère. Ma mère, encore, on s’arrangerait avec elle. Mais, tu le sais, grand-mère est intraitable, elle va croire que tu viens faire ici la besogne de l’Antéchrist. C’est la rupture certaine.

Il y eut un silence gêné. Puis, il reprit :

— Alors, tu me conseilles de refuser, toi aussi tu me désapprouverais, tu ne serais pas contente, si je venais ici.

Elle leva de nouveau les yeux sur lui, dans un élan de sincérité véritable.

— Moi te désapprouver, mon ami, oh ! tu me fais de la peine, pourquoi me dis-tu cela ? Il faut agir selon ta conscience, remplir ton devoir, comme tu l’entends. Tu es le seul bon juge, et tout ce que tu feras sera bien fait.

Cependant, il entendait trembler sa voix, sous la crainte d’un péril inavoué, dont elle sentait déjà l’effleurement. Et il y eut un nouveau silence, pendant lequel il lui prit les deux mains, pour la rassurer, d’une caresse tendre.

— Alors, tu es tout a fait décidé, mon ami ?

— Oui, tout à fait, je croirais mal agir si j’agissais autrement.