Page:Zola - Vérité.djvu/231

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du maire. Ce dernier, Martineau, si fort et si net, lorsqu’il s’appuyait sur la volonté de Marc, se trouvait désemparé, depuis qu’il devait agir seul contre l’instituteur, le vrai maître à la mairie. Défiant, n’osant se prononcer dans son ignorance, dans sa continuelle crainte de se compromettre, il finissait toujours par vouloir ce que voulait l’instituteur, et ce que voulait celui-ci, la commune le voulait bientôt. Ce fut ainsi qu’au bout de six mois, Jonville, par l’abdication volontaire, passa des mains du maître d’école dans les mains du curé.

Mais la tactique de Jauffre surtout intéressa Marc comme un chef-d’œuvre de jésuitisme. Il eut des renseignements très précis chez Mlle Mazeline, l’institutrice, qu’il alla voir. Cette haute raison, cette claire intelligence était désolée de ne pouvoir lutter avec avantage, maintenant qu’elle se trouvait seule à combattre le bon combat, dans une commune où tout se pourrissait. Et elle conta la comédie jouée par Jauffre, les premiers temps, lorsque le maire Martineau se révoltait contre quelque empiétement du curé, que l’instituteur avait sourdement provoqué. Ce dernier alors feignait de s’indigner avec lui, et il chargeait sa femme : c’était sa femme, Mme Jauffre, pratiquante, d’une dévotion outrée, qui se laissait endoctriner par l’abbé Cognasse. Le ménage, très d’accord, avait imaginé cette façon d’échapper aux responsabilités. Aussi Martineau fut-il vite vaincu, d’autant plus que la belle Mme Martineau, si friande de cérémonies religieuses, pour y étaler ses robes neuves, était devenue l’amie de Mme Jauffre, qui affectait des allures de dame, à cause des deux mille francs de rente qu’elle avait eus en dot. Jauffre, ne se gênant plus, recommençait à sonner la messe, fonction ancienne de l’instituteur, que Marc, autrefois, avait refusé de remplir. Ça ne rapportait que trente francs par an, mais trente francs étaient toujours bons à prendre. Et, comme