Page:Zola - Vérité.djvu/254

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total. Les juifs, comme au Moyen Âge, servaient de prétexte à réchauffer les croyances tièdes, monstrueuse exploitation d’une haine ancestrale, semence atroce de guerre civile. Et il n’y avait, au fond de ce vaste mouvement de réaction, que le sourd travail de regagner le terrain perdu par elle jadis, dans la débâcle du vieux monde sous le souffle libérateur de la Révolution. C’était l’esprit de la Révolution qu’il fallait tuer, en reconquérant la bourgeoisie portée par elle au pouvoir, résolue maintenant à la trahir, afin de conserver ce pouvoir illégitime, dont elle avait à rendre compte au peuple. Avec la bourgeoisie rentrant dans le giron, le peuple lui-même serait reconquis, car la vaste entreprise était de reprendre l’homme par la femme, de reprendre surtout l’enfant sur le banc de l’école, en l’enfermant de nouveau dans l’obscurité du dogme. Si la France de Voltaire était en train de redevenir la France de Rome, c’était que les congrégations enseignantes avaient remis la main sur l’enfant. Et la campagne s’aggravait, l’Église criait déjà victoire, contre la démocratie, contre la science, toute gonflée de l’espoir d’empêcher l’inévitable, la Révolution complétée, achevée, le peuple venant rejoindre la bourgeoisie au pouvoir, la nation entière enfin libre.

— La situation empire donc de jour en jour, conclut Salvan. Vous savez quelle enragée campagne est menée contre notre enseignement primaire. L’autre dimanche, à Beaumont, un prêtre a osé dire en chaire que l’institution laïque était Satan converti en pédagogue ; et il a crié : « Pères et mères, vous devez désirer la mort de vos enfants, plutôt que de les voir dans de tels enfers de perdition »… L’enseignement secondaire se trouve également en proie à la pire réaction cléricale. Je ne parle pas de la prospérité sans cesse croissante des établissements congréganistes, semblables au collège de Valmarie, où les jésuites