achèvent d’empoisonner les fils de la bourgeoisie, nos futurs officiers, fonctionnaires et magistrats. Mais, dans nos lycées eux-mêmes, l’action du prêtre demeure toute-puissante. Ici, par exemple, le proviseur, le dévot Depinvilliers, reçoit ouvertement chez lui le père Crabot, qui confesse, je crois, sa femme et ses deux filles. Dernièrement, il s’est fait donner un aumônier de combat, mécontent de l’abbé Leriche, un brave homme très vieux, endormi dans sa fonction. Sans doute les exercices religieux sont facultatifs ; seulement, pour qu’un élève en soit dispensé, il faut une demande des parents ; et, naturellement, l’élève est dès lors mal noté, mis à part, en butte à toutes sortes de petites persécutions… Après trente ans de République, malgré l’effort de plus d’un siècle de libre pensée, l’Église demeure donc chez nous l’institutrice qui entend garder la domination du monde, en fabriquant sur de vieux moules les hommes de servage et d’erreur dont elle a besoin pour gouverner. Et toute notre misère actuelle vient de là.
Marc savait ces choses. Il finit par demander :
— Enfin, mon ami, que me conseillez-vous ? Faut-il que je recule, après avoir agi ?
— Ah ! certes, non. Si vous m’aviez prévenu, je vous aurais peut-être prié d’attendre encore. Mais, puisque vous avez enlevé ce crucifix de votre classe, il faut défendre votre acte, en faire une victoire de la raison… Depuis que je vous ai écrit de venir causer, j’ai vu mon ami Le Barazer, l’inspecteur d’académie, et je suis un peu plus tranquille. Vous le connaissez, il est assez difficile de savoir ce qu’il pense, il est l’homme des atermoiements, il use la volonté des autres pour imposer la sienne. Au fond, je le crois avec nous, je serais surpris s’il faisait le jeu de vos ennemis… Tout va dépendre de vous, de votre force de résistance, de la situation plus ou moins