Page:Zola - Vérité.djvu/276

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allait être consommée. La soirée fut rude. Au sortir de sa classe, lorsque les petites têtes rieuses, blondes ou brunes, n’étaient plus là pour lui parler du meilleur avenir, il tombait à des tristesses, luttant afin de retrouver tout son courage, le lendemain. Aussi, cette soirée-là fut-elle particulièrement amère. Il songeait à son œuvre brutalement interrompue, à ces enfants aimés qu’il avait peut-être enseignés pour la dernière fois, dont on ne lui permettrait pas d’achever le salut. On les lui reprenait, on les rendrait à quelque déformateur d’intelligences et de caractères ; et c’était tout son apostolat détruit qui saignait en lui. Il se coucha si sombre, que Geneviève, doucement, en silence, le prit dans ses bras, comme elle le faisait parfois encore, par tendresse d’épouse.

— Tu as de la peine, mon pauvre chéri ?

Il ne répondit pas d’abord. Il la savait de moins en moins dans ses idées et il évitait toujours des explications pénibles, malgré son remords secret de la laisser ainsi s’écarter, sans rien tenter pour la faire complètement sienne. Bien que, de nouveau, il cessât d’aller voir ces dames, la grand-mère et la mère, il ne trouvait pas le courage d’interdire à sa femme cette petite maison froide, où il devinait un si grand danger pour leur bonheur. Chaque fois que Geneviève en revenait, il la sentait un peu moins à lui. Surtout dans ces derniers temps, lorsque toute la meute cléricale se ruait à ses talons, il avait appris que ces dames le reniaient partout, rougissaient de lui comme d’une honte imméritée souillant leur famille.

— Pourquoi ne me réponds-tu pas, mon chéri ? crois-tu donc que ton chagrin ne soit pas le mien ?

Il fut touché, il lui rendit son étreinte, en disant :

— Oui, j’ai de la peine. Mais ce sont des affaires que tu ne sens pas comme moi, et je ne veux pas même t’en faire