Page:Zola - Vérité.djvu/277

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un reproche. Alors, à quoi bon te les confier ?… Je crains bien que, très prochainement, nous ne soyons plus ici.

— Comment ça ?

— Je vais être sûrement déplacé, sinon révoqué. Tout est fini… Et nous serons forcés de partir, je ne sais où.

Elle eut un cri de contentement.

— Ah ! mon chéri, tant mieux ! c’est ce qui peut nous arriver de meilleur.

Étonné, il ne comprit pas d’abord, et il la questionna. Elle parut un peu gênée, elle tâcha de rattraper sa phrase.

— Mon Dieu ! je dis ça, parce que ça me serait bien égal de m’en aller, avec toi et avec notre Louise, naturellement. On est heureux partout.

Et, comme il la pressait davantage :

— Puis, vraiment, nous n’aurions pas ailleurs toutes ces vilaines histoires d’ici, qui finiraient peut-être par nous fâcher ensemble. Je serais si heureuse de nous retrouver seuls, au fond d’un trou perdu où personne ne se mettrait entre nous deux, où rien du dehors ne nous séparerait… Oh mon chéri, partons demain !

Déjà, plusieurs fois, aux heures de tendre abandon, il lui avait vu cette crainte de la rupture, ce désir et ce besoin de rester à lui. Elle semblait lui dire : « Garde-moi sur ton cœur, contre ta chair. Emporte-moi, pour qu’on ne m’arrache pas de tes bras. Je sens bien qu’on m’en détache un peu chaque jour, je tremble de ce grand froid qui m’envahit, dès que tu ne me possèdes plus. » Et rien ne le bouleversait davantage, dans la terreur de ce qui devait être l’inévitable.

— Partir, mon cher amour, il ne suffit pas de partir. Mais quelle joie tu me causes, et combien je te remercie de ce grand réconfort !

Des journées encore s’écoulèrent, la terrible lettre attendue de la préfecture tardait