Page:Zola - Vérité.djvu/29

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République les interrogerait, au sujet du numéro du Petit Beaumontais et du modèle d’écriture trouvés près du corps. Et, pendant que, sur la place, les deux gendarmes avaient grand-peine à maintenir la foule, désormais grossissante, violente, poussant des cris de mort, Simon rentra, attendit avec Darras et Marc, Mlle Rouzaire et Mignot, dans la vaste salle de classe, où le soleil pénétrait par l’immense baie donnant sur la cour de récréation.

Il était huit heures, il y eut une brusque averse orageuse, puis le ciel se déblaya, la journée devint admirable. Et ce fut à neuf heures seulement que les magistrats purent être là. Le procureur de la République, Raoul de La Bissonnière, s’était dérangé en personne, accompagné du juge d’instruction Daix, tous les deux émus de la grandeur du crime, prévoyant une grosse affaire. Petit et fringant, brun avec une figure poupine, encadrée de favoris corrects, La Bissonnière, extrêmement ambitieux, ne pouvait se contenter à quarante-cinq ans de son avancement rapide, guettait toujours quelque procès retentissant qui le lancerait à Paris, où il se flattait de décrocher une haute situation, grâce à son adresse souple, à son respect complaisant du pouvoir, quel qu’il fût. Au contraire, grand et sec, Daix, avec sa face en lame de couteau, était le juge d’instruction méticuleux, tout à son devoir professionnel, un inquiet, un timide, que sa femme, laide et coquette, dépensière, exaspérée de son ménage pauvre, terrorisait et désolait par son amertume à lui reprocher son manque d’ambition. Tous deux descendirent à l’école, et ils voulurent d’abord se rendre dans la chambre, procéder aux constatations premières, avant de recueillir quelques témoignages.

Ce fut Simon et Darras qui les accompagnèrent, tandis que Marc, Mlle Rouzaire et Mignot les attendaient dans la grande salle, où le père Philibin et le