Il ne l’interrompait pas, le cœur serré, voulant savoir jusqu’au bout.
— Oui, je vois clair, malheureusement. Le moindre de tes élèves t’intéresse plus que moi. Tant que tu es en bas, avec eux, dans ta classe, oh ! tu te passionnes tu te donnes de toute ton âme, te surmenant pour leur expliquer les moindres choses, riant et jouant comme un grand frère, comme un gamin. Et puis, dès que tu remontes ici, tu deviens sombre, tu ne trouves plus rien à me dire, l’air mal à l’aise, en homme que sa femme inquiète et fatigue… Mon Dieu ! que je suis malheureuse !
Et, de nouveau, elle éclata en larmes. Alors, doucement, il se décida.
— Ma pauvre chérie, je n’osais point te dire la cause de ma tristesse ; mais justement, si je souffre, c’est de trouver en toi tout ce que tu me reproches. Jamais plus tu n’es avec moi. Tu passes dehors tes journées entières, et quand tu rentres, c’est pour m’apporter un air de déraison et de mort, dont notre pauvre logis est ravagé. C’est toi qui ne m’adresses plus la parole, l’esprit toujours absent, perdu au fond de quelque rêve trouble, lorsque ton corps est ici, les mains occupées à coudre, à servir la soupe, même à soigner notre Louise. C’est toi qui me traites avec une pitié indulgente, en homme coupable, peut-être inconscient de son crime, et c’est toi qui bientôt ne m’aimeras plus, si tes yeux ne s’ouvrent pas à un peu de simple raisonnable.
Elle se récriait, coupait chaque phrase dans une protestation stupéfaite, véhémente.
— Moi, moi ! c’est moi que tu accuses de ces choses ! tu ne m’aimes plus, et c’est moi qui vais ne plus t’aimer !
Puis, s’abandonnant, livrant le fond de sa hantise quotidienne.
— Ah ! qu’elles sont heureuses les femmes dont les