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Page:Zola - Vérité.djvu/318

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qui sont absurdes. Et justement, je m’oppose à ce qu’on pervertisse l’intelligence de mon enfant avec des absurdités pareilles.

— Tais-toi, tais-toi ! cria-t-elle. Tu ne sais pas tout ce que tu arraches de moi, en me parlant ainsi. Oui, tout mon amour pour toi, tout notre bonheur que je voudrais sauver encore !… De quelle façon nous entendre, si nous ne donnons plus aux mots le même sens, si ce que tu déclares l’absurde est à mes yeux le divin, l’éternel ?… Et ta belle logique n’est elle pas en défaut ? Comment Louise pourra-t-elle choisir entre tes idées et les miennes, si tu m’empêches de la faire dès aujourd’hui instruire comme je l’entends ?… Je ne t’empêche pas de la renseigner à ton gré, mais j’entends être libre de la conduire au catéchisme.

Déjà Marc faiblissait.

— Je connais la théorie : l’enfant au père et à la mère, en réservant à l’enfant le droit de choisir plus tard. Seulement, le lui laisse-t-on bien intact, ce droit, du moment où toute une éducation religieuse, aggravant sa longue hérédité catholique, lui enlève jusqu’à la force de penser librement et d’agir ? C’est une duperie pour le père, si mal armé, parlant vérité et raison à une petite créature dont on trouble les sens et le cœur ; et, quand elle a grandi dans les pompes de l’Église, au milieu des mystères terrifiants et des folies mystiques, il est trop tard pour revenir à un peu de bon sens, son esprit est à jamais faussé.

— Si tu as ton droit de père, répéta-t-elle violemment, j’ai mon droit de mère, n’est-ce pas ? Tu ne vas pas me prendre ma fille, à dix ans, lorsqu’elle a besoin de moi encore. Ce serait simplement monstrueux, je suis une honnête femme et j’entends faire de Louise une femme honnête… Elle ira au catéchisme. S’il le faut, c’est moi-même qui l’y conduirai.