Page:Zola - Vérité.djvu/343

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d’une force irrésistible d’évidence. Ils s’éclairaient les uns les autres, ils aboutissaient tous à la même conclusion. En dehors même des preuves matérielles qu’on commençait à posséder, il y avait là une certitude, comme la démonstration d’un problème de mathématique, que le raisonnement suffisait à résoudre. Deux ou trois points cependant restaient obscurs, la présence du modèle dans la poche du frère, la disparition du coin où se trouvait le cachet, détruit sans doute. Mais avec quelle limpidité tout le reste se déroulait, le retour de Gorgias, le hasard qui l’amenait devant la fenêtre éclairée, la tentation, le meurtre, puis le lendemain l’autre hasard, le père Philibin et le frère Fulgence passant là, mêlés au drame, forcés d’agir, afin de sauver un des leurs ! Et quel aveu devenait aujourd’hui ce coin déchiré, de quelle indéniable façon il désignait le coupable, dont la féroce campagne qui avait suivi criait aussi le nom, tout cet effort de l’Église pour le couvrir et faire condamner un innocent à sa place ! Chaque jour amenait une clarté nouvelle, l’énorme édifice du mensonge allait bientôt crouler.

— C’est donc la fin de la misère ! dit le vieux Lehmann, pris de gaieté. On n’a qu’à montrer ce papier-là, et on nous rendra tout de suite Simon.

Déjà, les deux enfants dansaient de joie, chantaient sur un rythme d’allégresse :

— Oh ! papa va revenir ! papa va revenir !

Mais David et Marc restaient graves. Eux, renseignés, savaient combien la situation restait difficile et dangereuse. Les questions les plus redoutables se posaient, comment utiliser le nouveau document, par quelle voie introduire la demande en révision ? Et ce fut Marc qui murmura : — Il faut réfléchir, il faut attendre.

Alors, Rachel, reprise par les larmes, bégaya dans un sanglot :