Page:Zola - Vérité.djvu/342

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— Oui, une bonne et grosse nouvelle.

Lentement Marc leur conta toute l’aventure, la maladie du petit Sébastien, le désespoir de Mme  Alexandre, puis son remords terrifié, et comment elle lui avait remis le modèle d’écriture, et comment ce modèle portait le cachet de l’école des frères et le paraphe indéniable du frère Gorgias.

— Tenez ! le voici… Le cachet est là, dans cet angle, qui a été arraché de l’exemplaire trouvé près du petit Zéphirin. Nous avions cru à un coup de dents possible de la victime. Et c’est le père Philibin qui a eu le temps de déchirer cet angle-là, mon adjoint Mignot en a le souvenir très net… Maintenant, regardez le paraphe. Il est, sur cet exemplaire, beaucoup plus lisible, tout en étant identique. Aussi distingue-t-on très bien un F et un G enlacés, les initiales du frère Gorgias que les extraordinaires experts, les sieurs Badoche et Trabut, par une aberration incroyable, se sont obstinés à prendre pour un L et un S, les initiales de votre frère… Ma conviction est aujourd’hui absolue, c’est le frère Gorgias qui est le coupable.

Passionnément, tous regardaient l’étroit papier jauni, à la clarté pâle de la lampe. Les deux vieux Lehmann, quittant leur couture, avançaient leurs visages ravagés, comme ressuscités à un peu de vie. Mais Rachel, surtout, sortie de son engourdissement, frémissait, tandis que les deux enfants, Joseph et Sarah, debout, se poussaient pour mieux voir, avec des yeux de flamme. Et David prit le papier, dans le grand silence de la maison en deuil, le retourna, l’examina.

— Oui, oui, répéta-t-il, ma conviction est faite comme la vôtre. Ce que nous avions soupçonné devient aujourd’hui certain. Le frère Gorgias est le coupable.

Une longue discussion suivit, où tous les faits furent rappelés, rapprochés, réunis en un faisceau complet,