Page:Zola - Vérité.djvu/356

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madame Édouard, cette parente pauvre dont il oubliait volontiers l’existence. On l’avait vu arriver un matin, s’engouffrer violemment dans l’étroite boutique, puis en ressortir une demi-heure plus tard, très rouge. Et le résultat de cette intervention tempétueuse fut, le lendemain, le départ pour le Midi de Mme Alexandre, avec son fils Sébastien, en convalescence de sa terrible fièvre typhoïde, tandis que Mme Édouard, avec son fils Victor, continuait à gérer la boutique, donnant une complète satisfaction à la clientèle cléricale, expliquant l’absence de sa belle-sœur par le souci de son amour maternel, toute prête d’ailleurs à la rappeler, dans l’intérêt de leur commerce, si l’école laïque sortait victorieuse de la grande lutte prochaine.

Au milieu de ces grondements, annonçant le furieux orage qui montait, Marc s’appliquait à remplir son rôle d’instituteur avec une correction parfaite. L’affaire était désormais dans les mains de David, il attendait de pouvoir l’aider de son témoignage. Jamais encore il ne s’était donné plus entièrement à sa classe, à ces enfants dont il voulait faire des hommes de raison et de bonté, comme exalté davantage vers la divine solidarité humaine par son rôle actif dans la réparation d’une des plus monstrueuses iniquités du siècle. Avec Geneviève surtout, il évitait d’aborder les sujets de leur désunion, très tendre, l’air uniquement occupé des petits riens si importants de chaque jour. Mais, lorsque sa femme revenait de chez ces dames, il la sentait nerveuse, impatiente, de plus en plus exaspérée contre lui, la tête visiblement pleine des histoires contées par ses ennemis. Et il ne pouvait toujours éviter les querelles, qui peu à peu s’empoisonnaient, devenaient meurtrières.

Un soir, la guerre éclata, au sujet du lamentable Férou. Dans la journée, Marc avait appris une nouvelle tragique, l’assassinat de Férou, abattu d’un coup de revolver par