Page:Zola - Vérité.djvu/357

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un sergent, contre lequel il s’était révolté. Et il était monté chez Mme Férou, qu’il avait trouvée dans les larmes, au milieu de son atroce misère, souhaitant que la mort la prît elle-même avec ses deux filles cadettes, comme elle avait déjà fait la grâce d’emporter l’aînée. C’était l’effroyable et logique dénouement, l’instituteur pauvre, méprisé, aigri jusqu’à la rébellion, chassé de son poste, désertant pour ne pas payer à la caserne la dette acquittée en partie déjà à l’école, puis vaincu par la faim, incorporé de force le jour où l’appel désespéré des siens le rappelait, et finissant comme un chien pris de rage, là-bas sous le ciel de flammes, dans les tortures d’une compagnie de discipline. Et, devant cette femme sanglotante et ces deux filles hébétées, devant ces pauvres loques que l’iniquité sociale jetait à l’agonie dernière, Marc avait senti se soulever toute son humanité fraternelle, en une furieuse protestation.

Il n’était pas calmé le soir, il s’oublia, parla devant Geneviève, comme celle-ci vaquait encore par la chambre commune, avant de se retirer dans la petite pièce voisine, où elle s’était décidée à coucher.

— Sais-tu la nouvelle ? dans une révolte, en Algérie, un sergent a cassé la tête de ce malheureux Férou.

— Ah !

— J’ai vu Mme Férou cette après-midi, elle en devient folle… Et c’est vraiment un assassinat voulu, prémédité. Je ne sais si le général Garous, qui s’est montré si dur dans cette histoire, dormira tranquille cette nuit. Il a sur les mains un peu du sang de ce pauvre grand fou, dont on a fait une bête fauve.

Vivement, comme attaquée dans ses idées, Geneviève répondit :

— Le général serait bien bon de mal dormir, Férou ne pouvait finir autrement.

Marc eut un geste douloureux et indigné. Mais il se