Page:Zola - Vérité.djvu/379

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cœur fraternel. Il n’est qu’une vérité, il n’est qu’une justice, celles que la science établit, sous le contrôle de la certitude et de la solidarité humaines.

Geneviève elle-même s’exaspéra.

— Expliquons-nous donc une bonne fois, c’est ma religion, c’est mon Dieu que tu veux détruire.

— Oui ! cria-t-il. C’est le catholicisme que je combats, l’imbécillité de son enseignement, l’hypocrisie de sa pratique, la perversion de son culte, et son action meurtrière sur l’enfant, sur la femme, et sa nuisance sociale. L’Église catholique, voilà l’ennemie, dont nous devons d’abord débarrasser la route. Avant la question sociale, avant la question politique, il y a la question religieuse, qui barre tout. Jamais nous ne ferons un pas en avant, si nous ne commençons point par abattre l’Église, la corruptrice, l’empoisonneuse, l’assassine… Et, entends-moi bien ! telle est la raison de ma volonté formelle à ne pas laisser notre Louise se confesser et communier. Je croirais ne pas faire mon devoir, je me mettrais en contradiction complète avec mes idées et mes leçons ; et, le lendemain, il me faudrait quitter cette école, cesser d’instruire les enfants des autres, puisque je n’aurais ni la loyauté ni la force de conduire mon enfant à moi vers la vérité, la seule vraie, la seule bonne… Je ne céderai pas, notre fille elle-même jugera, prendra un parti, quand elle aura vingt ans.

Hors d’elle, Geneviève allait répondre, lorsque Louise entra. Après la classe, Mlle  Mazeline l’avait longtemps retenue, et même elle la ramenait pour expliquer gaiement comment elle lui avait appris un point difficile de crochet. Petite et mince, sans beauté, mais d’un charme profond, avec sa face large où s’ouvrait une grande bouche tendre, où ses yeux noirs admirables brûlaient d’ardente sympathie, l’institutrice cria dès la porte :