Page:Zola - Vérité.djvu/390

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— Non, non, mon père… Tu le sais bien, il y a longtemps qu’elle ne joue plus. Mais ici, elle était encore un peu gaie, tandis que je la trouve maintenant bien triste, l’air malade.

— Malade !

— Oh ! pas malade à se mettre au lit. Au contraire, elle ne peut rester en place, ses mains brûlent comme si elle avait la fièvre.

— Et qu’avez-vous fait, mon enfant ?

— Nous sommes allées aux vêpres, ainsi que tous les dimanches. Puis, nous sommes rentrées pour goûter. Il y avait là un religieux que je ne connais pas, un missionnaire qui a raconté des histoires de sauvages.

Alors, il se taisait un instant, pris d’une grande amertume, ne voulant pas juger la mère devant la fille, ni donner à celle-ci l’ordre de lui désobéir, en refusant de l’accompagner à l’église. Doucement, il reprenait :

— Et t’a-t-elle parlé de moi, mon enfant ?

— Non, non, mon père… Personne ne me parle de toi dans la maison ; et, comme tu m’as recommandé de ne jamais en parler la première, ça se passe comme si tu n’existais pas.

— Pourtant, grand-mère n’est pas méchante avec toi ?

— Grand-mère Duparque ne me regarde seulement pas, et j’aime mieux ça, car elle a des yeux qui me font peur, quand il lui arrive de me gronder… C’est grand-mère Berthereau qui est gentille, et encore lorsque personne n’est là pour la voir. Elle me donne des bonbons, elle me prend dans ses bras et m’embrasse très fort.

— Grand-mère Berthereau ?

— Mais oui. Et même, un jour, elle m’a dit de bien t’aimer. C’est la seule qui m’ait parlé de toi.

De nouveau, il se taisait, par crainte d’initier l’enfant trop tôt aux misères de la vie. Toujours il avait soupçonné la dolente et silencieuse Mme  Berthereau,