Page:Zola - Vérité.djvu/399

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par ces paroles. Vivement, Louise se permit d’intervenir.

— Oh ! non, mademoiselle, n’allez pas voir maman, je ne vous le conseille pas.

— Pourquoi donc, ma chérie ?

La fillette, alors, rougit, resta très embarrassée. Elle ne savait plus comment dire en quels termes méprisants et haineux on parlait de l’institutrice dans la petite maison de la place des Capucins. Celle-ci comprit, et doucement, en femme habituée à l’outrage :

— Est-ce que ta maman ne m’aime plus ? crains-tu qu’elle ne me reçoive mal ?

— Oh ! maman ne dit trop rien, finit par confesser Louise, ce sont les autres.

Marc s’était repris, domptant son émotion.

— L’enfant a raison, mon amie, votre démarche pourrait être pénible, et elle ne servirait sans doute à rien. Je ne vous en remercie pas moins de votre bonté, je sais quel est votre grand cœur.

Il y eut alors un long silence. Le ciel était d’une pureté admirable, une paix lente tombait de cet infini bleu, où le soleil s’éteignait en une grande lueur rose. Les quelques œillets et les quelques giroflées du petit jardin embaumaient l’air tiède. Ce soir-là, ils ne parlèrent plus, baignés de mélancolie par toute cette fin délicieuse d’un beau jour.

Et ce qui devait se produire arriva. Geneviève n’avait pas quitté Marc depuis huit jours, que tout Maillebois parlait de la liaison scandaleuse, affichée publiquement par l’instituteur et l’institutrice. Ils s’échappaient à chaque instant de leurs classes, pour se retrouver ; même le soir, ils avaient l’audace de vivre ensemble dans le jardin de l’école des garçons, où tout le monde pouvait parfaitement les voir de certaines fenêtres voisines ; et l’abomination était que la petite Louise se trouvait là, toujours