Page:Zola - Vérité.djvu/401

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du pays entier, dans les coins de chapelle et dans les parloirs, des chuchotements sans fin avec les dévotes excitées, indignées de tant d’horreurs. De là, les horreurs se répandaient à voix basse, à demi-mots, gagnaient les familles, les fournisseurs, le petit peuple, devenaient la hantise des vieilles filles brûlées par le culte inassouvi de Jésus. Et la seule colère de Marc était de se douter que, chez ces dames, on devait, par un raffinement cruel, murmurer d’ignobles contes aux oreilles de sa Geneviève, afin de consommer à jamais leur séparation.

Enfin, le mois s’écoula, les couches étaient proches. Marc, qui avait compté les jours dans une attente fiévreuse, s’étonnait de n’avoir reçu encore aucune nouvelle, lorsque Pélagie, un jeudi matin, vint à l’école dire sèchement de ne pas envoyer mademoiselle Louise à sa maman, l’après-midi. Et comme, à sa voix, Marc était accouru, exigeant une explication, la servante finit par lui apprendre que madame était accouchée depuis le lundi soir et qu’elle n’allait même pas bien du tout. Puis, elle se sauva, ennuyée d’avoir parlé, ayant reçu évidemment l’ordre de ne rien dire. Un instant, Marc resta confondu devant cette volonté d’agir comme s’il n’existait pas. Un enfant lui était né, et personne ne le prévenait. Ensuite, ce fut une telle révolte, un tel besoin de protester, le cœur saignant, qu’il prit son chapeau et se rendit tout droit chez ces dames.

Lorsque Pélagie lui ouvrit, elle resta suffoquée, l’air saisi, de son audace. Mais il l’écarta d’un geste, entra directement, sans une parole, dans le petit salon, où, selon leurs habitudes, Mme Duparque tricotait devant la fenêtre, tandis que Mme Berthereau, un peu en arrière, s’occupait à un travail de broderie, d’une main lente. Il retrouvait la petite pièce avec son odeur accoutumée d’air humide et moisi, ensommeillée dans le grand silence et dans la clarté morne qui venaient de la place. Mais,