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Page:Zola - Vérité.djvu/406

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Une fureur emporta Marc. Il revint d’un saut, il cria dans la face impassible de la grand-mère :

— Vous allez tout de suite me donner l’adresse de la nourrice !

Et, muette, elle le bravait toujours, elle le regardait de ses yeux clairs, lorsque Mme Berthereau, bouleversée, intervint. Au commencement de la querelle, elle avait tenu obstinément la tête baissée sur son ouvrage de broderie, en femme résignée, devenue lâche, qui désirait ne pas se compromettre, par terreur de gros ennuis personnels. Mais, lorsque Marc, reprochant à la grand-mère sa dure tyrannie de dévote, avait fait allusion à tout ce qu’elle-même souffrait, depuis son veuvage, dans cette maison pieuse, elle avait cédé à une émotion croissante, au flot de larmes, si longtemps refoulé, qui montait et l’étouffait. Elle oubliait un peu de sa silencieuse timidité, elle relevait la tête, se passionnait, après tant d’années. Et, quand elle entendit sa mère refuser à ce pauvre homme, torturé, volé, l’adresse de la nourrice de son enfant, elle eut enfin une révolte, elle cria l’adresse.

— La nourrice est une femme Delorme, à Dherbecourt, près de Valmarie.

D’une brusque détente, comme sous le ressort de muscles jeunes, Mme Duparque s’était remise debout, et elle foudroya du geste l’audacieuse, qu’elle traitait toujours en gamine, malgré ses cinquante ans passés.

— Qui donc t’a permis de parler, ma fille ?… Est-ce que tu vas retourner à ta faiblesse passée ? Des années de pénitence sont-elles impuissantes à effacer la faute d’un mariage impie ? Prends garde, le péché est toujours en toi, je le sens bien, malgré ton apparente résignation… Pourquoi as-tu parlé sans mon ordre ?

Toute frémissante encore de tendresse et de pitié, Mme Berthereau résista un instant.