ferme, si brave, s’épouvantait. Et cette longue attente angoissée, dans laquelle vivaient David et Marc, le pays entier en souffrait, Maillebois surtout en était ravagé, comme d’une crise épuisante dont la continuité suspendait la vie sociale. Elle finissait par profiter aux anti-simonistes, qui s’étaient remis de la terrible trouvaille faite chez le père Philibin. Peu à peu, et grâce aux formalités si lentes, aux nouvelles fausses, nées du secret de l’enquête, ils affectaient de triompher encore, ils annonçaient l’écrasement certain des simonistes. Les articles infâmes du Petit Beaumontais retrouvèrent leurs mensonges et leurs outrages des grands jours. On entendit le père Théodose, à une cérémonie en l’honneur de saint Antoine de Padoue, se permettre en chaire une allusion au prochain triomphe de Dieu sur la race maudite de Judas. On revit, par les rues, par les places, le frère Fulgence passer en coup de vent, l’air affairé, la face exultante, comme s’il traînait derrière lui le char de l’Église, dans une apothéose. Quant au frère Gorgias, que la congrégation commençait à juger fort compromettant, on tâchait de le cloîtrer le plus possible, sans oser encore le faire disparaître, au fond de quelque retraite sûre, ainsi que le père Philibin. Et il n’était point commode, il aimait à se montrer, à étonner le monde, par des attitudes de saint religieux, traitant directement de son salut avec le ciel. Deux fois, il souleva un scandale, en allongeant des gifles à des enfants, qui ne sortaient pas de son école d’un air assez recueilli. Aussi le maire Philis, dont la dévotion correcte s’effarait de ce personnage d’une piété extraordinaire et violente, crut-il devoir intervenir, dans l’intérêt même de la religion. Il en fut question au conseil municipal, où Darras se trouvait toujours en minorité de quelques voix, paralysé, d’autant plus prudent, qu’il ne désespérait pas de redevenir maire, avec une majorité accrue, si l’affaire Simon tournait
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