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Page:Zola - Vérité.djvu/412

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pas ses repas chez Marc, où il était accueilli en frère, faisant de ce foyer son propre foyer, goûtant là toute la douceur du lien le plus étroit, celui qui se resserre à mesure qu’on sent et qu’on pense de même ? Aussi, la lente désunion du ménage, à laquelle il assistait, lui avait-elle été très douloureuse ; et, depuis le départ de Geneviève, il était désespéré, forcé de manger dans un petit restaurant voisin, afin de ne pas accroître l’embarras de la triste maison sans femme. Mais il redoublait d’affection respectueuse pour Marc, il tâchait de le consoler, au milieu des coups dont on l’accablait. S’il ne revenait pas chaque soir après le dîner, afin de lui tenir compagnie, c’était par un sentiment de délicate discrétion, voulant le laisser seul avec sa fille, comprenant bien que celle-ci devait lui suffire. Il s’effaçait également devant Mlle Mazeline, plus utile au mari abandonné, plus savante à panser les blessures, avec ses mains légères de sœur. Et, lorsqu’il voyait Marc par trop assombri, près de céder à la souffrance, il n’avait encore trouvé qu’une façon de ramener la joie et l’espoir sur sa trace, celle de s’accuser de son ancien témoignage au procès Simon comme d’un crime, et de lui promettre, au procès futur, de soulager sa conscience publiquement, en criant la vérité. Ah ! oui, il la jurerait, l’innocence de Simon, dont il était maintenant convaincu, grâce au flot de lumière qui avait éclairé ses souvenirs !

Cependant, les lenteurs de la Cour de cassation continuaient d’encourager la furieuse campagne des anti-simonistes, et il y eut surtout une reprise acharnée de calomnies contre Marc, qu’il s’agissait de perdre, pour assurer le triomphe de l’école des frères sur les ruines de l’école laïque. Si elle laissait passer l’occasion favorable, l’Église se sentait menacée elle-même, atteinte mortellement, le jour où on lui reprendrait le droit d’enseigner, de pétrir à son usage les générations nouvelles. Un matin