Page:Zola - Vérité.djvu/413

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donc, le bruit se répandit dans Maillebois qu’on venait de surprendre Mlle Mazeline couchée avec Marc, et cela près de la chambre de Louise, sans que même la porte de communication fût fermée. On ajoutait des détails ignobles, un raffinement satanique d’impudence, œuvre évidente d’imaginations dévotes surchauffées.

Seulement, l’histoire restait en l’air, il était impossible de retrouver un témoin, des versions se succédaient d’autant plus terribles qu’elles devenaient contradictoires, élargissant l’infamie. Ce fut Mignot, très inquiet, qui osa prévenir Marc de la gravité du scandale, et ce dernier ne put se contenter, cette fois, d’opposer à une telle ignominie le hautain silence de son dédain. Il passa une journée d’affreux combat, le cœur déchiré par le nouveau sacrifice que son œuvre exigeait de lui. Et, quand vint le crépuscule, il était décidé, il se rendit à son habitude dans le petit jardin où il passait chaque soir une heure si douce, si réconfortante, en compagnie de Mlle Mazeline. Puis, comme elle était déjà là, assise sous la touffe de lilas, l’air songeur et bien triste, elle aussi, il prit un siège en face d’elle, il la regarda quelques secondes sans parler.

— Ma pauvre amie, dit-il enfin, j’ai un gros chagrin et je vais en soulager mon cœur, avant que Louise nous rejoigne… Nous ne pouvons continuer à nous voir ainsi chaque jour. Je crois même que nous serions sages en nous abstenant désormais de toutes relations… Vous le voyez, c’est un véritable adieu. Il va falloir nous séparer, mon amie.

Elle l’avait écouté sans surprise, comme sachant à l’avance ce qu’il avait à lui dire. Et, d’une voix courageuse et désolée :

— Oui, mon ami, c’est pour cet adieu que moi-même, je suis venue, ce soir encore, m’asseoir ici. Vous n’aurez pas à me convaincre, je sens comme vous la douloureuse