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Page:Zola - Vérité.djvu/429

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Alors, pendant les mois et les mois que dura encore l’enquête de la Cour de cassation, Marc dut s’enfermer de nouveau dans son école, se donner corps et âme à sa besogne d’instruire les humbles, de les rendre capables de plus de vérité et de plus de justice.

Mais, parmi les espoirs et les désespoirs qui continuèrent de l’enfiévrer, selon les nouvelles bonnes ou mauvaises, il était une hantise qui s’aggravait sans cesse en lui. Autrefois, dès le premier jour, il s’était demandé comment la France ne se levait pas tout entière, pour exiger la délivrance de l’innocent. C’était une de ses chères illusions, la France généreuse, la France magnanime et juste, qui tant de fois s’était passionnée au nom de l’équité, qui une fois de plus allait sûrement donner au monde la preuve de son grand cœur, en s’efforçant de réparer la plus exécrable des erreurs judiciaires. Et la douloureuse surprise qu’il avait éprouvée, à la voir comme alourdie et indifférente, au lendemain du procès de Beaumont, grandissait, devenait chaque jour plus angoissante ; car il pouvait l’excuser alors en la sentant ignorante des faits, empoisonnée de mensonges ; tandis que, maintenant, après tant de vérité, tant de lumière faite déjà, il ne trouvait plus d’explication possible, à un si long sommeil, si épais et si honteux, dans l’iniquité. On