Page:Zola - Vérité.djvu/432

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et qu’ils ne me mentent pas trop. Vous le savez bien, souvenez-vous… Et, d’ailleurs, j’ai eu aujourd’hui de bonnes nouvelles de l’affaire dont je m’occupe depuis si longtemps. Oui, l’innocence de mon pauvre ami Simon va être définitivement reconnue.

Fernand devint très gêné, le visage plus lourd, l’œil éteint.

— Ce n’est pas ce qu’on dit pourtant.

— Et que dit-on ?

— On dit que les magistrats ont trouvé encore des choses contre l’ancien maître d’école.

— Quelles choses ?

— Ah ! des choses !

Enfin, il consentit à s’expliquer et il s’embarqua dans une histoire saugrenue. Les juifs avaient donné une grosse somme d’argent, cinq millions, à Simon leur coreligionnaire, pour que celui-ci fît guillotiner un frère de la Doctrine chrétienne. Alors, Simon ayant manqué son coup, les cinq millions attendaient dans une cachette, et c’étaient les juifs qui travaillaient aujourd’hui à faire envoyer le frère Gorgias au bagne, quittes à noyer la France dans le sang, afin que Simon revint en personne déterrer le trésor du lieu secret, connu de lui seul.

— Voyons, mon garçon, s’écria Marc ahuri, vous ne pouvez croire des absurdités pareilles.

Le jeune paysan, l’air mal éveillé, le regardait de ses yeux ronds.

— Dame ! pourquoi pas ?

— Mais parce que votre bon sens devrait se révolter… Vous savez lire, vous savez écrire, je m’étais flatté d’avoir éveillé un peu votre raison, en vous enseignant les moyens de distinguer la vérité du mensonge… Voyons, voyons ! vous n’avez donc rien retenu de ce que vous avez appris chez moi ?

Il eut un geste de lassitude et d’insouciance.