Page:Zola - Vérité.djvu/436

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Et, se tournant vers l’enfant : — N’est-ce pas ? c’est encore l’état de menuisier qui te va le mieux. Mon père, à moi, était menuisier.

Mais Jules, les yeux luisants, osa dire son goût.

— Oh non ! maman ! Si je pouvais continuer à apprendre, ça me ferait tant de plaisir !

Marc venait à son aide, lorsque Doloir entra, accompagné de ses deux fils. Auguste travaillait au même chantier que lui, et ils avaient pris en passant Charles, ouvrier chez un maître serrurier voisin. Mis au courant, le père se rangea vite à l’avis de sa femme, qui était la forte tête du ménage, la conservatrice, la gardienne des saines traditions. Honnête et brave femme, mais d’une obstinée routine et d’un égoïsme étroit. Et le mari pliait, malgré ses bravades d’ancien militaire, dont la caserne aurait élargi les idées.

— Non, non, monsieur Froment, ça ne me paraît pas possible.

— Voyons, il faut raisonner, reprit Marc avec patience. Je me charge de préparer Jules à l’École normale. Puis, à l’École normale, nous lui obtiendrons une bourse. Ça ne vous coûtera donc absolument rien.

— Et la nourriture jusque-là ? demanda la mère.

— Mon Dieu ! la nourriture d’une personne de plus, lorsqu’on est déjà plusieurs à table, ce n’est pas une grosse dépense… On peut bien risquer quelque chose pour un enfant qui donne de si vives espérances.

Les deux frères aînés se mirent à rire, en bons garçons amusés de l’air à la fois anxieux et fier de leur cadet.

— Dis donc, gamin, cria Auguste, tu vas être alors le grand homme de la famille ? Faut pas tant crâner, nous l’avons eu aussi, nous autres, ton certificat d’études. Seulement, ça nous a suffi, nous en étions tout embarbouillés, du tas d’histoires qu’il y a dans les livres et qui n’en finissent