Page:Zola - Vérité.djvu/439

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m’empêche pas de trouver qu’on ferait aussi bien de laisser là-bas ce Simon, sans nous tracasser la cervelle davantage avec son innocence.

Cette brusque conclusion, que Marc n’attendait pas, heureux déjà des choses intelligentes dites par son ancien élève, le surprit douloureusement.

— Comment cela ? demanda-t-il. S’il est innocent, songez donc quelle torture ! Jamais nous n’aurions de réparation assez éclatante à lui offrir.

— Oh ! innocent, ça reste à prouver. J’ai beau lire souvent ce qu’on imprime, ça se brouille de plus en plus dans ma tête.

— C’est que vous ne lisez que des mensonges. Enfin, voyons, il est prouvé que le modèle d’écriture venait de l’école des frères. Le coin déchiré, découvert chez le père Philibin, en est la preuve, et l’erreur grossière des experts se trouve aujourd’hui démontrée, le paraphe est certainement de l’écriture et de la main du frère Gorgias.

— Ah ! je ne sais pas tout ça, comment voulez-vous que je lise tout ce qu’on imprime ? Je vous l’ai dit, plus on veut m’expliquer la chose, moins je comprends. En somme, puisque les experts et le tribunal ont attribué jadis le modèle d’écriture au condamné, le plus simple est de croire qu’il vient bien de lui.

Et il ne sortit pas de là, malgré les efforts de Marc, qui se désespérait de le trouver si fermé encore, si peu capable de vérité, après l’avoir cru un moment libéré davantage.

— En voilà assez ! dit enfin Mme  Doloir, avec son autorité de femme simple et prudente. Vous m’excuserez, monsieur Froment, si je vous prie de ne plus parler de cette affaire-là chez nous. Vous faites comme il vous plaît, et je n’ai rien à en dire. Seulement, nous autres, pauvres gens, le mieux encore est que nous évitions de nous mêler de ce qui ne nous regarde pas.