Page:Zola - Vérité.djvu/455

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elle continuait à y rester discrètement dans l’ombre, afin de ne pas effaroucher la clientèle cléricale, qui tenait toujours le haut du pavé. En seconde année déjà, Sébastien était également devenu très cher à Salvan, heureux de compter sur lui comme sur un des missionnaires de la bonne parole, qu’il rêvait d’envoyer par les campagnes. Et, à la rentrée des classes, Marc avait encore eu la satisfaction de confier à son vieil ami un autre de ses élèves, Joseph Simon, le fils de l’innocent, dont la résolution était d’être instituteur, comme son père, malgré tous les pénibles obstacles, dans la pensée de vaincre où le cher foudroyé avait lui-même si tragiquement combattu. Sébastien et Simon s’étaient ainsi retrouvés, animés du même zèle, de la même foi, nouant d’une sympathie plus étroite leur ancien lien de camaraderie. Et quelles bonnes heures, quand ils pouvaient profiter d’une après-midi de congé, pour venir, à Maillebois, serrer la main de leur ancien maître !

Marc, au milieu de ce lent déroulement des faits, restait en attente, désespérant un jour, espérant le lendemain. Vainement, il avait compté sur le retour de Geneviève, enfin éclairée, sauvée du poison ; et il mettait sa consolation unique, son espoir persistant, dans la tranquille fermeté de sa fille Louise. Celle-ci, comme elle le lui avait promis, venait le voir le jeudi et le dimanche, toujours gaie, pleine de douce résolution. Il n’osait point la questionner sur sa mère, car elle se taisait, trouvant sans doute le sujet pénible, tant qu’elle n’aurait pas une bonne nouvelle à donner. Elle allait avoir seize ans bientôt, elle pénétrait mieux la plaie vive dont ils souffraient tous les trois, à mesure qu’elle avançait en âge, et elle aurait tant voulu être la médiatrice, la guérisseuse, en remettant aux bras l’un de l’autre les deux parents bien-aimés ! Pourtant, les jours où elle remarquait trop d’angoisse impatiente dans les regards