Page:Zola - Vérité.djvu/457

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que son enfant cédât, comme les autres fillettes ! il était si heureux de lui voir cette fermeté, cette raison déjà solide, même lorsqu’il n’était plus là, pour la soutenir ! Puis, un attendrissement le prenait, il se l’imaginait au milieu des obsessions de toutes sortes, des gronderies et des scènes dont on devait la tracasser à chaque heure.

— Ma pauvre petite, comme il te faut du courage ! Ça doit être si pénible pour toi ces continuelles querelles.

Mais, remise, paisible, elle souriait.

— Oh ! des querelles, non ! mon papa. Je suis bien trop respectueuse à l’égard de grand-mère, pour avoir des querelles avec elle. C’est elle qui se fâche et qui me foudroie tout le temps. Moi, j’écoute d’un grand air de déférence, sans jamais risquer la moindre objection. Puis, quand elle a fini, quand elle a recommencé deux ou trois fois, je me contente de dire, très doucement : — « Que voulez-vous ? grand-mère, j’ai promis à papa que j’attendrais d’avoir vingt ans, avant de me décider à faire ou à ne pas faire ma première communion, et je tiendrai ma parole, puisque c’est juré. » Tu comprends, je ne sors pas de cette phrase, je la sais par cœur, je la répète sans y changer un mot. C’est ça qui me rend invincible. Et je commence à prendre en pitié cette pauvre grand-mère, tellement elle entre en fureur, en me faisant claquer les portes à la figure, dès que j’entame la phrase.

Elle souffrait au fond de ce continuel état de guerre. Mais, en voyant son père ravi, elle lui sautait gentiment au cou.

— Sois tranquille, va ! je suis bien ta fille. On ne me décidera jamais à faire ce que j’ai décidé de ne pas faire.

Elle devait aussi livrer toute une bataille, pour continuer ses études, dans la résolution formelle de se consacrer à l’enseignement. Elle voulait être institutrice, et elle avait brusquement avec elle sa mère, qui appuyait