put constater, jour par jour, le succès grandissant de la cause qu’il défendait. Mais ce qui lui fit surtout mesurer l’importance décisive du terrain conquis, ce fut de recevoir une lettre du baron Nathan, alors en villégiature à la Désirade, chez son gendre, Hector de Sanglebœuf, le priant de venir causer avec lui d’un prix qu’il voulait fonder pour l’école laïque. Tout de suite, il flaira un prétexte. Le baron, à deux ou trois reprises déjà, avait donné cent francs, qu’on distribuait aux meilleurs élèves, en livrets de la Caisse d’épargne. Et Marc se rendit à la Désirade, surpris et curieux.
Il n’y était pas retourné, depuis le jour lointain où il avait accompagné David, désireux d’intéresser à la cause de son frère emprisonné, accusé, le tout-puissant baron. Et il se rappelait les moindres détails de cette visite, la façon dont le juif triomphant, roi de la finance, beau-père d’un Sanglebœuf, s’était débarrassé du juif pauvre, écrasé sous l’exécration publique. La Désirade avait encore gagné en majesté et en beauté, un million venait d’y être dépensé pour de nouvelles terrasses et de nouveaux bassins, qui donnaient aux parterres, devant le château, une grandeur souveraine. Et ce fut parmi les eaux ruisselantes, au milieu d’un peuple de nymphes, qu’il finit par atteindre le perron, où deux grands valets en livrée vert et or attendaient. Puis, comme l’un d’eux l’avait conduit dans un petit salon, en le priant d’attendre, il y resta seul un instant, il entendit un bruit confus de voix, qui devait venir d’une pièce voisine. Deux portes se refermèrent, le silence se fit, et le baron Nathan entra, la main tendue.
— Excusez-moi de vous avoir dérangé, mon cher monsieur Froment, mais je sais combien vous êtes dévoué à vos élèves, et je voudrais doubler la somme que je vous ai remise, ces années dernières. Vous n’ignorer pas mes idées très larges, mon désir de récompenser le