Page:Zola - Vérité.djvu/469

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mérite partout où il se trouve, en dehors des questions politiques et religieuses… Oui, moi, je ne fais pas de différence entre les écoles congréganistes et les écoles laïques, je suis pour la France.

Et il continua, pendant que Marc le regardait, dans sa taille courte, un peu voûtée, avec sa face jaune, au crâne nu, au grand nez d’oiseau de proie. Il le savait engraissé encore d’un vol récent de cent millions, une affaire coloniale, un colossal butin de rapines qu’il avait dû partager avec une banque catholique. Aussi s’était-il jeté à une réaction exaspérée, en sentant de plus en plus, à mesure que les millions nouveaux s’entassaient sur ses premiers millions, le besoin du prêtre et du soldat, pour lui garder son bien mal acquis. Maintenant, non content d’être entré par sa fille dans l’antique famille des Sanglebœuf, il achevait de renier sa race, il affichait un antisémitisme féroce, monarchiste, militariste, ami respectueux des anciens brûleurs de juifs. Et Marc, en le retrouvant si gonflé de son immense fortune, s’étonnait de son humilité native, de la terreur des persécutions ancestrales qui pâlissait ses yeux inquiets, guettant les portes, comme s’il était toujours prêt à se glisser sous les tables, au moindre danger.

— Voilà qui est donc décidé, reprit-il après toutes sortes d’explications confuses à dessein, vous disposerez de ces deux cents francs vous-même, à votre gré, car j’ai pleine confiance en votre sagacité.

C’était fini, Marc remercia, ne comprenant toujours pas. Même le besoin politique de se mettre bien avec tout le monde, le désir de se trouver en compagnie des vainqueurs, si les simonistes l’emportaient, ne suffisaient pas à expliquer ce rendez-vous flatteur et inutile, cet accueil trop bienveillant à la Désirade. Et il s’en allait, lorsque l’explication vint enfin.

Le baron Nathan, qui l’avait accompagné jusqu’à la porte