Page:Zola - Vérité.djvu/479

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quelque dévotion, le regard absent. Cette fois, tous deux se trouvaient face à face, sans que personne pût les séparer, dans une absolue solitude. Elle l’avait bien vu, elle le regardait d’un regard où il crut lire une grande souffrance, un besoin inavoué de secours. Et il s’approcha, il osa venir s’asseoir sur le banc, à quelque distance d’elle, comme s’il craignait de la fâcher et de la mettre en fuite.

Un grand silence régna. On était en juin, le soleil baissait à l’horizon, dans un vaste ciel pur, criblant les feuillages de minces flèches d’or. La chaude après-midi se rafraîchissait déjà de petits souffles errants. Et il la regardait toujours, sans rien dire, très ému de la retrouver maigrie, pâlie, comme à la suite d’une maladie grave qui avait encore affiné sa beauté. Son visage d’autrefois, aux beaux cheveux blonds, aux grands yeux de passion et de gaieté, s’était émacié, avait pris une expression d’inquiétude ardente, le tourment d’une soif dont rien ne pouvait apaiser la brûlure. Ses paupières battirent, deux larmes qu’elle s’efforçait de renfoncé coulèrent sur ses joues. Alors, il parla, il sembla l’avoir quittée de la veille, dans son désir de la rassurer.

— Notre petit Clément va bien ?

Elle ne répondit pas tout de suite, par crainte sans doute de montrer l’émotion dont elle étranglait. L’enfant, qui venait d’avoir quatre ans, n’était plus à Dherbecourt. L’ayant repris à la nourrice, elle le gardait maintenant avec elle, malgré les sourdes gronderies de la grand-mère.

— Il va très bien, dit-elle enfin, avec un léger tremblement de la voix, affectant elle aussi une sorte de paix indifférente.

— Et notre Louise, reprit-il, tu en es satisfaite ?

— Oui, elle n’obéit toujours pas à mon désir, tu es resté le maître de son esprit, mais elle est sage et bonne, elle travaille, je n’ai pas à me plaindre d’elle.