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Page:Zola - Vérité.djvu/493

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sa merci, en disant une partie de la vérité. Et sa nouvelle raison, en train de bouleverser les lecteurs crédules du Petit Beaumontais, était donc que le modèle d’écriture sortait bien de chez les frères et portait bien son paraphe, mais que sûrement Zéphirin l’avait emporté chez lui, comme Victor Milhomme en avait également emporté un, malgré la défense, et que Simon l’avait ainsi trouvé sur la table, dans la chambre de la victime, la nuit de l’abominable attentat.

Quinze jours plus tard, le journal publiait une nouvelle lettre du frère Gorgias. Il s’était réfugié en Italie, disait-on. Mais il évitait de donner son adresse exacte, et il offrait de venir témoigner au prochain procès de Rozan, si l’on s’engageait formellement à ne pas attenter à sa liberté. Il continuait de traiter Simon de juif immonde, il disait avoir la preuve écrasante de sa culpabilité, qu’il fournirait seulement devant la cour d’assises. Et cela ne l’empêchait pas de parler de ses supérieurs, du père Crabot surtout, en termes agressifs et outrageants, avec la violence amère du complice accepté autrefois, aujourd’hui renié, sacrifié. Leur histoire du faux cachet était-elle assez imbécile ! Quel pauvre mensonge, lorsque la vérité pouvait si bien se dire ! Des sots et des lâches, et des lâches surtout, car ne venaient-ils pas de commettre la dernière des lâchetés, en l’abandonnant, lui, le serviteur fidèle de Dieu, après avoir sacrifié l’héroïque père Philibin et le malheureux frère Fulgence ! Sur ce dernier, il n’avait que des paroles d’indulgent mépris, un pauvre homme, un détraqué, un vaniteux, dont on s’était débarrassé en l’envoyant au loin, sous prétexte de maladie, après l’avoir laissé se compromettre à plaisir. Quant au père Philibin, il l’exaltait, en faisait son ami, le héros du devoir religieux, d’une obéissance passive entre les mains de ses chefs, utilisé pour les pires besognes, brisé le jour où l’on avait eu intérêt à lui fermer la bouche. Au fond du couvent