Page:Zola - Vérité.djvu/504

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personne, s’ils ne faisaient pas acte de bons catholiques en recondamnant le Juif.

Et Marc s’inquiéta davantage encore des renseignements qu’on lui donna sur le conseiller Guybaraud, qui devait présider la cour d’assises, et sur le procureur de la République Pacart, chargé de requérir. Le premier était un ancien élève des jésuites de Valmarie, auxquels il devait son rapide avancement, et il avait épousé une bossue très riche, très pieuse, qu’il tenait de leurs mains. Le second, ancien démagogue, compromis vaguement dans une affaire de jeu, était devenu un antisémite frénétique, rallié à l’Église, dont il attendait un poste à Paris. Marc se méfiait surtout de ce dernier, en voyant les anti-simonistes affecter des craintes sur son attitude probable, comme s’ils redoutaient en lui un réveil de son passé révolutionnaire. Tandis qu’ils ne tarissaient pas sur la haute conscience, sur la belle âme de Guybaraud, ils parlaient de Pacart avec des réticences, des sous-entendus, trouvant son antisémitisme insuffisant, voulant sans doute lui réserver le rôle héroïque de l’honnête homme foudroyé par la vérité, le jour où il demanderait la tête de Simon ? Ils allaient donc dans tout Rozan, l’air désolé, en répétant que Pacart n’était pas avec eux, et c’était là ce qui éveillait la défiance de Marc, car il savait de bonne source la vénalité certaine du personnage, résolu aux pires marchés, âprement désireux de se refaire un honneur dans quelque haute situation. D’ailleurs, à Rozan, pour ce second procès, toute l’ardente et meurtrière lutte semblait avoir lieu sous terre. On n’y aurait pas retrouvé, comme à Beaumont, pour le premier, le salon de la belle Mme  Lemarrois, où se rencontraient l’aimable député Marcilly, le discret préfet Hennebise, l’ambitieux général Jarousse, des universitaires, des fonctionnaires, des magistrats, menant l’affaire avec légèreté, parmi les sourires des dames. De même, il n’était plus question